Categories: Analyse Infrastructures

Mambasa–Makeke : la société civile dénonce, la FEC défend Jerryson, voici les explications

La réhabilitation et l’entretien de la route nationale n°44, axe Mambasa–Makeke en Ituri, divisent acteurs économiques et organisations citoyennes du territoire de Mambasa. Alors que plusieurs structures locales dénoncent l’inefficacité de l’entreprise Jerryson Construction, adjudicataire du contrat, la Fédération des entreprises du Congo (FEC), section de Mambasa, a pris sa défense dans une lettre adressée au gouverneur le 3 septembre 2025.

23 juillet : Le Parlement des jeunes ouvre la brèche

Dans une déclaration publique, le Parlement des jeunes du territoire de Mambasa accuse Jerryson de n’avoir livré aucun travail sérieux sur la route, devenue impraticable malgré les 300 millions de francs congolais perçus mensuellement. Il demande la résiliation immédiate du contrat et annonce un sit-in citoyen à la barrière de la DGRPI.

24 juillet : Les Jeunes Leaders renforcent la pression

Le lendemain, l’ASBL Jeunes Leaders de Mambasa reprend les mêmes griefs et dénonce l’« inaction prolongée » de Jerryson. Elle exige également la rupture du contrat et soutient le sit-in annoncé par le Parlement des jeunes.

29 août : Les Forces vives élargissent la mobilisation

Réunies à Mambasa, les Forces vives dénoncent un « abandon manifeste » des travaux et rappellent l’importance stratégique de la route pour l’approvisionnement et le développement local. Elles accusent l’entreprise Jerryson de non-respect de ses engagements et d’incapacité à entretenir régulièrement l’axe malgré la perception de taxes. Trois recommandations principales sont formulées : dénoncer officiellement le contrat, obtenir sa résiliation immédiate et identifier un nouvel opérateur plus fiable.

3 septembre : La FEC prend position en faveur de Jerryson

À contre-courant des critiques citoyennes, la Fédération des entreprises du Congo (FEC), section de Mambasa, salue dans une lettre adressée au gouverneur « le travail de Jerryson », affirmant que l’entreprise a rouvert la route et continue d’en assurer l’entretien. La FEC dénonce ce qu’elle qualifie de « déclaration politique et tribale » de la société civile, jugée de nature à diviser la population locale.

Elle appelle néanmoins le gouvernement provincial à envoyer une équipe sur le terrain pour évaluer objectivement l’état du projet et apaiser les tensions.

Pourquoi la FEC a-t-elle réagi ainsi ?

La prise de position de la FEC surprend, car dans d’autres dossiers, comme celui concernant PREMIDIS, elle s’était alignée sans réserve sur la société civile. Plusieurs éléments peuvent expliquer ce revirement :

  1. Origine commune : Jerryson est une entreprise du Nord-Kivu, tout comme la majorité des membres de la FEC/Mambasa.
  2. Soutiens politiques : certains députés nationaux et provinciaux élus à Mambasa mais originaires du Nord-Kivu seraient proches de Jerryson et bénéficieraient de retombées du contrat.
  3. Contexte différent avec PREMIDIS : dans ce cas antérieur, la FEC n’avait pas d’intérêt direct et s’était rangée aux côtés de la société civile.
  4. Facteur Me Jospin Paluku : proche de la FEC et coordonnateur territorial de la Nouvelle Société Civile du Congo, il avait été écarté du comité de suivi opérationnel de COGINTA fin août par d’autres structures citoyennes en raison de querelles locales, une décision interprétée par certains comme une discrimination. Cet épisode pourrait avoir alimenté la réaction défensive de la FEC.

Un dilemme pour les autorités provinciales

Entre des organisations citoyennes qui exigent la rupture immédiate du contrat et une FEC qui défend Jerryson tout en demandant une évaluation officielle, le gouvernement provincial d’Ituri se retrouve face à un dilemme. La décision finale devra concilier la nécessité de préserver la cohésion sociale et l’intérêt supérieur de la population, première victime de l’état de délabrement avancé de la route nationale n°44.

RÉDACTION

Partagez

Dans la même catégorie