Categories: Sécurité Société

Mambasa : Armée, notables et jeunes collaborent pour la sécurité de la population

À Mambasa, territoire du nord-est de la République démocratique du Congo, les habitants vivent depuis trop longtemps sous la menace permanente : incursions des ADF, banditisme urbain, tracasseries aux barrières et infiltrations de groupes armés locaux. Face à cette réalité, une nouvelle dynamique se dessine : l’armée, les leaders communautaires et la jeunesse choisissent de marcher ensemble pour restaurer la paix et protéger les civils.

C’est dans cet esprit que le nouveau commandant brigade, le colonel Patrick, a conduit ce vendredi 22 août deux rencontres décisives. La première avec les chefs de groupements, de villages et d’entités de base, puis la seconde avec les représentants des structures de la jeunesse et les associations de motards. Deux rendez-vous différents mais liés par un seul fil conducteur : bâtir une alliance communautaire pour sauver Mambasa.

Un message fort : unité et confiance

Dans un ton empreint de respect, il a salué la force de la notabilité et a appelé à la solidarité des chefs coutumiers. Son message était clair :

« Nous n’avons qu’une seule armée, la FARDC. C’est pourquoi nous devons travailler main dans la main pour mettre hors d’état de nuire notre ennemi commun. »

Le commandant a invité les autorités de base à se désolidariser des groupes armés locaux, notamment les Wazalendu, accusés d’exactions contre les populations. Pour lui, la collaboration doit se traduire par la vigilance, la dénonciation des suspects et la transmission d’informations aux services de sécurité.

Les préoccupations des chefs de base

Les leaders communautaires ont, à leur tour, exprimé les attentes pressantes des habitants.
Ils demandent :

  • que les FARDC distinguent clairement leurs soldats des éléments infiltrés dans la communauté,
  • que les Wazalendu soient délogés de force pour libérer les villages,
  • que les militaires cessent de s’enivrer en public, parfois en tenue, un comportement jugé humiliant pour la population,
  • que les suspects arrêtés soient jugés en toute transparence lors d’audiences foraines,
  • et que l’armée soit plus réactive à chaque alerte donnée par les civils.

« Nos chefferies de Babila-Bakwanza, Babila-Babombi et désormais Walese-Karo continuent de subir les menaces des ADF. Nos populations veulent la paix, elles en ont assez de pleurer leurs morts », a lancé l’un des notables, visiblement ému.

Les jeunes réclament des actes concrets

Dans l’après-midi, ce sont les structures de la jeunesse et les associations de motards qui ont pris la parole.
Si elles reconnaissent la nécessité de collaborer avec l’armée, elles appellent à plus d’efficacité. « Nous avons toujours dénoncé, mais souvent sans résultats. Nous demandons que l’armée réagisse en temps réel », a plaidé Trésor Anditaji, représentant des Jeunes Leaders.

Parmi les propositions phares, figure la suspension des motards de nuit surnommés Hibouneurs, souvent accusés de faciliter les déplacements des malfaiteurs. « Pour la plupart des cas d’insécurité nocturne, ces bandits sont transportés par des taxis-motos », a alerté un leader de jeunesse.

Les associations de motards, représentées par Kasereka Saravayi de l’ACCO, ont reconnu la difficulté de contrôler certains conducteurs mais ont promis de renforcer la réglementation interne. En revanche, elles ont dénoncé les tracasseries aux barrières militaires, qui pénalisent les travailleurs honnêtes.

Autre inquiétude majeure exprimée par les jeunes : la libération récurrente de criminels arrêtés, parfois relâchés par l’auditorat militaire. « Comment protéger nos communautés si les bandits deviennent intouchables ? », s’est interrogé Suleiman Onokoko président du parlement de jeunes, appelant à protéger les sources d’information et les lanceurs d’alerte.

Des engagements de l’armée

Face à ces préoccupations, le colonel Patrick a rassuré ses interlocuteurs. Il a promis d’examiner toutes les recommandations au sein du Comité local de sécurité (CLS) et d’améliorer la protection des sources. Concernant la discipline militaire, il a annoncé des mesures strictes pour interdire aux soldats de fréquenter les débits de boisson en uniforme.

« La sécurité est l’affaire de tous. Ensemble, nous allons nous battre avec les moyens de bord pour protéger nos populations », a-t-il affirmé avec fermeté.

Un souffle d’espoir dans un territoire meurtri

Ces deux rencontres traduisent une volonté nouvelle : celle de briser la méfiance historique entre civils et militaires, et de construire une réponse communautaire face à l’insécurité.

Dans un territoire où les villages pleurent encore les leurs, où les routes deviennent des pièges mortels la nuit, et où les jeunes vivent dans la peur constante d’une attaque, l’unité devient une arme plus puissante que les balles.

À Mambasa, la population attend désormais que ces engagements se traduisent en actes concrets. Car au-delà des discours, c’est la paix, la sécurité et le droit de vivre dignement que réclament les habitants.

Un modèle pour l’Ituri et au-delà ?

L’expérience de Mambasa résonne bien au-delà de ses frontières. Dans toute la province de l’Ituri, où l’insécurité demeure un défi quotidien, la société civile, la jeunesse et l’armée sont appelées à collaborer dans le même esprit.
La réussite de cette dynamique locale pourrait inspirer d’autres territoires à bâtir des alliances similaires, où la confiance et la responsabilité collective deviennent des armes contre la terreur.

Car en Ituri comme ailleurs, les communautés aspirent à la même chose : tourner la page des larmes et écrire enfin celle de la paix.

Rahim Jules César

Partagez

Dans la même catégorie