Categories: Éditorial

Édito | Vital Kamerhe visé par une pétition : quand l’UDPS tire sur sa propre majorité

Partagez

À peine quelques jours après le grand appel à l’unité lancé lors du deuxième congrès de l’Union sacrée de la nation (USN), l’actualité politique congolaise prend une tournure pour le moins paradoxale. Une pétition visant à destituer Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, circule activement au sein du Parlement. Fait troublant : ce sont des députés proches ou issus du parti présidentiel, l’UDPS, qui en seraient les initiateurs.

Le timing est révélateur. Le congrès de l’USN, organisé fin août 2025, prônait officiellement la cohésion et la discipline dans les rangs de la majorité. Or, quelques jours plus tard, une fronde s’organise en coulisses contre l’un des piliers de cette même coalition. Faut-il y voir une simple divergence politique ou un jeu de pouvoir interne orchestré par l’UDPS elle-même ?

Derrière la pétition, une manœuvre politique à peine voilée

Les signataires reprochent à Vital Kamerhe une gestion autoritaire, un manque de transparence et une personnalisation du pouvoir au perchoir. Mais à y regarder de plus près, ces accusations relèvent davantage de motifs politiques que d’un réel dysfonctionnement institutionnel. La pétition semble moins répondre à une urgence démocratique qu’à une volonté de marginaliser un allié devenu trop influent.

Car Kamerhe n’est pas un homme politique ordinaire. Ex-directeur de cabinet du président Tshisekedi, candidat malheureux à la présidentielle de 2018, ancien ministre d’État, il dispose d’un poids électoral et symbolique réel. Sa stature agace, probablement au sein d’un parti présidentiel qui peine à faire émerger d’autres figures d’envergure nationale.

L’UDPS et l’art du double discours

Ce qui frappe dans cette séquence politique, c’est l’hypocrisie d’un parti qui prêche l’unité tout en organisant la discorde. Officiellement, l’UDPS se dit attachée à la cohésion de l’Union sacrée. Officieusement, elle laisse ses membres s’en prendre frontalement à un allié stratégique.

Cette posture ambiguë affaiblit non seulement la majorité présidentielle, mais ternit l’image du régime lui-même. Comment espérer gouverner efficacement un pays en crise lorsque la majorité s’entredéchire à coups de manœuvres internes ? À quoi bon convoquer un congrès si les résolutions qui en sortent sont immédiatement piétinées ?

Une crise qui appelle à des clarifications

Le président Tshisekedi ne peut rester silencieux face à cette agitation. Car deux scénarios s’imposent : soit il cautionne cette offensive contre Kamerhe, auquel cas il doit l’assumer politiquement ; soit il la désapprouve, et il lui revient alors de recadrer son propre parti.

Laisser se poursuivre une pétition qui affaiblit une figure centrale de la majorité, dans un contexte national marqué par des urgences sécuritaires et sociales, c’est faire le choix du calcul politique à court terme au détriment de la stabilité institutionnelle.

Une majorité qui s’auto-détruit ?

L’UDPS donne l’image d’un parti plus préoccupé par le contrôle total du pouvoir que par l’exercice collectif de la gouvernance. Si la tendance se confirme, c’est toute la logique de l’Union sacrée qui s’effondre : un regroupement censé unir, devenu un instrument d’éviction politique déguisée.

En ciblant Vital Kamerhe, l’UDPS ne vise pas seulement un homme : elle prend le risque de dynamiter l’équilibre d’une majorité fragile, construite autour d’alliances politiques temporaires mais indispensables. Et en s’attaquant à un partenaire-clé, elle envoie aussi un message clair à tous les autres : dans cette majorité, personne n’est à l’abri — pas même les alliés les plus loyaux.

Conclusion : attention au retour de flamme

Dans une démocratie fragile comme celle de la RDC, les coups politiques internes peuvent vite se transformer en crises majeures. Si la pétition contre Kamerhe aboutit, l’UDPS aura sans doute marqué un point dans sa lutte de pouvoir interne. Mais à quel prix ?

À force de tirer sur sa propre majorité, le parti présidentiel risque de ne plus avoir de majorité du tout.

Rédaction

Dans la même catégorie